20 Mai, 2024

Face à l’urgence climatique, libérons le potentiel solaire de la France !

Tribune portée par Jérôme Owczarczak, Directeur Général de Groupe EverWatt, parue dans 

 

Le mois de mars 2024 a vu l’établissement d’un triste record : celui du mois le plus chaud jamais mesuré sur Terre. Il s’inscrit ainsi dans une série de 10 mois ayant tous battu les records périodiques de température à l’échelle mondiale. Ce sont ainsi les scénarios les plus pessimistes du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) qui semblent se confirmer. Dans ce contexte, l’accélération de la transition énergétique devrait plus que jamais constituer une priorité des pouvoirs publics. Pourtant, le potentiel solaire de la France reste encore largement sous-exploité du fait d’obstacles administratifs et financiers bridant le développement de cette filière stratégique.

 

Un écart qui se creuse avec les autres pays européens

En 2023, la France a vu la puissance de son parc photovoltaïque augmenter de 3,2GWc. Un chiffre à comparer aux 14 GWc installés sur la même période en Allemagne, aux 5,6 GWc installés en Espagne ou encore aux 4 GWc déployés par la Pologne. La capacité solaire installée en France atteint ainsi péniblement les 18 GWc tandis que celle de l’Allemagne s’établit déjà à 81,7 GWc. Pour comprendre ce retard, il est nécessaire de l’inscrire dans l’histoire énergétique de la France marquée par une prééminence du nucléaire, qui a longtemps assuré des prix bas et stables à l’hexagone. Un contexte défavorable au développement d’une filière solaire qui peinait alors à atteindre le niveau de compétitivité nécessaire. Avec l’arrivée en fin de vie d’une première génération de réacteurs, une longue série de problèmes de maintenance et les difficultés de lancement de la nouvelle génération de centrales, la donne a changé. Puis la prise de conscience climatique est venue donner un caractère plus urgent à la diversification du mix énergétique, tandis que le conflit ukrainien a accentué la nécessité de développer une maitrise des couts de l’énergie via les circuits courts et locaux : l’autoconsommation, individuelle ou collective.

 

Une ambition d’accélération

Face à ces défis techniques, écologiques et géopolitiques, la même solution s’est imposée : initier une accélération massive des énergies renouvelables afin de diversifier le mix énergetique et donc favoriser l’installation des capacités solaires. C’est notamment ce que visait la Loi Climat et Résilience du 22 août 2021 en rendant obligatoire l’installation de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments neufs ou encore la Loi APER (Accélération de la Production d’Énergie Renouvelable) en obligeant, à priori, de solariser les parkings de plus de 1500m² sur au moins 50% de leur superficie. Des leviers d’accélération doublement efficaces face à la montée des températures : en empêchant les rayonnements directs sur les bâtiments et les espaces de stationnement, le solaire photovoltaïque réduit les points chauds et augmente le confort des usagers tout en produisant une électricité faiblement carbonée.

 

Une filière mobilisée…

Ces signaux positifs ont contribué au développement et à la structuration d’une filière solaire performante et mobilisée pour accompagner la stratégie publique d’accélération. Rassemblés dans des syndicats comme Enerplan, ces acteurs de l’énergie solaire mutualisent les bonnes pratiques et s’unissent pour assurer la réussite des concertations menées par le gouvernement sur les sujets qui les concernent : développement de la filière européenne face à la puissance chinoise, agrivoltaïsme ,autoconsommation collective etc.

 

… mais des moyens insuffisants

Pourtant, les résultats de ces politiques ambitieuses se font toujours attendre. Et pour cause, des complexités administratives pèsent de tout leur poids sur chaque projet. Les lois APER et Climat & Résilience ont ainsi donné naissance à des dispositifs prometteurs mais dont la gouvernance inclue différents échelons administratifs aux règles hétérogènes. Au sein des mairies, les projets d’installations solaires sont instruits comme de l’immobilier classique, doivent dès lors attendre de longs mois pour voir leurs autorisations de construction aboutir et voient donc leurs financements bancaires inutilement compliqués voire compromis. Les exigences en matière d’études techniques en France sont quant à elles toujours plus élevées et ralentissent, elles aussi, des projets dont le développement est déjà freiné par la frilosité irrationnelle des assureurs en la matière, le manque de moyens humains des administrations publiques et la lenteur des procédures contraintes par le code de la commande publique lorsqu’il s’agit d’équiper des bâtiments publics. Autant d’obstacles qui génèrent un surcoût des installations solaires et poussent les acteurs du privé à demander des dérogations, malgré leur bonne volonté et leurs engagements RSE ambitieux.

 

Un besoin de visibilité

Ces freins administratifs sont doublés d’une seconde difficulté : le manque de clarté et de continuité des politiques énergétiques. Tandis que l’Allemagne tient un cap constant depuis 2005, la France connaît des avancées par à-coups entrecoupées de reculs imprévisibles ( moratoire de fin 2010, parution des AO CRE ou PPE en retard…) et des évolutions réglementaires aux contours flous. L’absence de décrets d’application pour la Loi APER, plus d’un an après sa promulgation, en constitue un exemple emblématique en empêchant les entreprises concernées de connaître les conditions exactes de son interprétation et de prendre les décisions associées. Or, l’investissement dans un actif de production d’énergie destiné à rester en activité entre 20 et 30 ans ans nécessite une bonne visibilité fiscale et administrative.

 

Pour atteindre les objectifs d’accélération, la filière solaire devra donc pouvoir s’appuyer sur une administration aux moyens suffisants mais aussi sur un cadre réglementaire clair et adapté qui lui offrira la visibilité nécessaire à une action de long terme. Des transformations d’autant plus pressantes que l’inaction et le manque de coordination ont un coût extrêmement élevé : chaque élément ralentissant le déploiement de capacités solaires est en effet synonyme de coûts plus importants mais aussi et surtout d’émissions de CO2 supplémentaires et donc d’intensification de l’urgence climatique. Agissons et n’attendons plus.

Pour lire la tribune sur Les Echos, c’est par ici !

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